Si les gouvernements ont encore du mal à répondre aux difficultés universitaires provoqués par la pandémie de Covid-19, dans le milieu de la mode, les grandes marques ont décidé de soutenir pleinement les étudiant.e.s de mode ébranlé.e.s par la crise. Un soutien philanthrope plus stratégique qu’il n’y paraît.

En février 2021, inutile de vous rappeler que, comme la majorité des secteurs, des corps de métier et des catégories sociales, la plupart des étudiant.e.s sont en “hess” depuis que Miss Rona a décidé de venir jouer les trouble-fêtes et les trouble-makers. Et pour la première fois depuis plus d’un demi-siècle, ce sont bien les étudiant.e.s actuel.le.s et les jeunes diplômé.e.s qui vont se prendre en pleine face les effets persistants de la récession et de la crise économique dues à la pandémie de Covid-19. D’autant plus dans le milieu des industries créatives et culturelles lâchement mises de côté par le gouvernement depuis bientôt un an.

Le qualité de vie des étudiant.e.s est connue pour être précaire mais elle l’est d’autant plus chez celles et ceux du secteur de la mode, des arts et du design, puisque souvent dans ce milieu on s’est habitué depuis des années aux longs stages non rémunérés avec des formations davantage coûteuses que la moyenne, le plus souvent dans des grandes villes au niveau de vie très élevé (un master en fashion design à l’IFM de Paris peut coûter jusqu’autour des 20.000 euros l’année). Ajoutez à cela la privation des petits boulots étudiant.e.s, la baisse des aides étudiantes ainsi qu’une récente étude de la société d’analyse du marché du travail Emsi montrant que le recrutement des diplômés pour les professions d’art, de design et de mode a chuté de 37,4% entre février et juin 2020, et vous avez le combo complet pour faire péter un câble à la jeune génération de créatif.ve.s en devenir.

Heureusement en ces temps difficiles, la mode sait montrer qu’elle peut être solidaire. Plus particulièrement les grandes marques de luxe. Début 2021, c’est Bottega Veneta qui a annoncé qu’elle lancerait une bourse annuelle pour soutenir trois étudiant.e.s de dernière année déjà inscrits au BA Fashion de Central Saint Martins. Hugo Boss, Ports 1961, Self-Portrait, LVMH ou encore Burberry proposent tous des projets similaires. Qu’on se le répète, de l’aide, il n’y en a jamais trop. N’en déplaisent à certains députés en France ou ailleurs qui brandissent le drapeau de l’assistanat dès qu’il s’agirait de venir en aide aux étudiant.e.s avec une allocation supplémentaire (RSA, revenu universel etc).

Tod’s Legacy

Histoire de répondre à ces problèmes et de véritablement prendre les choses en main, la marque italienne de maroquinerie Tod’s a par exemple récemment étendu en ce début d’année son programme Tod’s Academy pour des étudiant.e.s de Central Saint Martins. Créé en coordination avec Fabio Piras, directeur du prestigieux cours MA Fashion de Central Saint Martins, Tod’s Legacy permettra à 35 étudiant.e.s de recevoir des bourses et d’avoir accès à des mentors, dont Hamish Bowles, Sarah Mower et Simone Rocha. En retour, chaque élève sera chargé.e de créer des designs s’inspirant des codes de la maison de Tod’s, dont les résultats viennent d’être dévoilés lors de la dernière London Fashion Week automne-hiver 2021.

Central Saint Martins Students Captured in Intimate Portrait Series / Photos depicting the next generation of creatives from London’s top fashion and art school.

Jimmy Choo de son côté a également ouvert la JCA London Fashion Academy qui propose des cours de design de mode, de commerce et d’entrepreneuriat avec des bourses d’études et des bourses sous conditions de ressources déjà en place pour l’année inaugurale tandis que l’Académie a constitué un fonds spécial afin qu’une partie de son chiffre d’affaires annuel brut soit dédié à la mise en place de mesures favorisant l’accès et la participation d’un plus grand nombre d’étudiant.e.s.

Alors que certaines de ces aides sont une réponse directe aux conséquences économiques de la pandémie, beaucoup d’entre elles ont été mises en place bien avant la crise, comme l’école d’apprentissage de l’Institut des Métiers d’Excellence (IME) lancée par LVMH en 2018 ; témoignant déjà d’une lutte financière conséquente pour les jeunes talents défavorisés qui veulent intégrer les industries créatives. L’autre problème relatif à ces bourses soutenues par les marques c’est qu’elles sont quasiment exclusivement offertes aux étudiant.e.s de grandes écoles de mode type Central Saint Martins à Londres. Certes cela fait sens d’aller soutenir et financer les meilleures écoles du classement qui a fortiori formeront les meilleurs futurs talents de la mode. L’objectif, vu comme un retour sur investissement, est donc purement stratégique. Mais avec seulement quelques dizaines de candidats acceptés par cursus de second cycle, combien d’édutiant.e.s extrêmement talentueux.ses hors de ce circuit privilégié manquent à l’appel ?

JCA London Fashion Academy

Avec des créatif.ve.s confronté.e.s à un marché de l’emploi de plus en plus difficile, l’existence et l’augmentation de tels programmes offrent quand même une lueur d’espoir – et, à long terme, ces derniers pourront sûrement stimuler la représentation des personnes issues de milieux non traditionnels et à faible revenu dans un secteur qui lui-même admet avoir un problème avec la diversité… C’est sans doute pour cette raison qu’en juillet 2020, suite aux mouvements antiracistes et aux protestations Black Lives Matter, Virgil Abloh avait réussi à récolter un million de dollars pour soutenir la prochaine génération de créatif.ve.s noir.e.s au travers de la Virgil Abloh “Post-Modern” Scholarship Fund.

Virgil Abloh Scholarship Fund