Et je me perds dans la mélodie des mots qui se parent de voyelles et de rondeurs, en français en tout cas. L’anglais, l’espagnol, l’allemand, le norvégien ont déjà des genres neutres qu’il est possible de conjuguer et décliner à loisir. Nous, nous découvrons de nouvelles manières d’inclure les genres, les sexes, les chamans, les identifications. Je suis perdude, j’ai lao langue qui fourche et Oulia, Moane ou Cita, ou quiconque dans maon polycule amoureud se moque de moi en me fredonnant “3SEX”, d’Indochine et Christine and the Queens, chanson de ma.mon jeunesse, considéré.e comme très déconstruit.e à lao époque. Pourtant, je vois une poésie folle dans cette disparition des frontières physiques et verbales. Nous assistons à l’émergence de nouvelles incantations, de nouveaux sorciers, des êtres capables d’héberger la puissance de divinités et d’en porter le verbe. À l’époque préhispanique, en Mésoamérique, il y avait un peuple nommé “Mixtèques” et un seigneur nommé Huit-Cerf Griffes d’Ocelot. Nous renouons avec lao sacred millénaire. J’avais eu cette vision pendant un stage d’ouverture des chakras, une rencontre avec l’animal sacré qui sommeille en nous. Au gré des désastres écologiques et des crises sanitaires, la jeune génération se créait des totems. Le genre se dissolvait dans une quête identitaire d’un niveau proche du spirituel. Ce n’était pas l’espèce humaine qui se métamorphosait, c’était sa représentation, son expression. Nous sommes devenud de moins en moins nombreused à conserver l’équation sexe et genre, à moduler nos attirances selon unaone éventail restreinted. Je ne sais même pas pourquoi je me sens si découragée devant le mouvement du monde. Ça doit être ça, vieillir. Un SMS d’Oulia me conseille (gentiment, je dois dire), de faire unaone cure detox et alignement des énergies dans lao nature. Iel m’écrit que ça me “ferait du bien d’arrêter de chercher à tout contrôler, qu’on est unaone certained nombre à avoir unaone mère tatoued qui écoute encore Indochine, que touted lao monde n’a pas lao chance d’avoir unaone banaled partenaire non binaire motarded qui sait produire des légumes et qui aime bien les fautes d’accords aud néoneutre. Kiss (boomer)”. Je lui écris dans la nuit : “Jae suis avec maed amyes dans unao appartementao et on a touxtes bu unao boisson chamanique. Jae suis là avec ielleux mais jae suis dans lao neige, seuled dans lao forêt polaired”. Les étoiles dansent dans les voiles multicolores des êtres sans fin ni commencement. Jae ne suis qu’unao illusion aud cœur d’unao illusion qui n’a jamais existé que par ses propres projections. Je suis épicène. Je m’allonge dans lao neige pour contempler l’ange multicolore qui éclate dans lao nuit boréaled. Iel m’écrit…
“Réveille-toi. Hey… Tu m’entends ?” Grognement sourd qui provient peut-être de ma gorge. “Tu veux de l’eau ? Cligne des yeux si tu m’entends.” Clignement d’yeux. Pourquoi on me parle comme à une enfant de huit ans ? “Qu’est-ce que tu nous as fait ? C’est toi qui as pris plein de drogues et tu te tapes un black-out en descente d’ayahuasca. Ou alors c’était une remontée… C’est bizarre.” Marmonnement pâteux. C’est blanc dans ma tête. “Tu es trempée de sueur. Attends, je vais te mettre une couverture. Reviens dans mes bras.” Ça fait un bruit de décompression dans mes oreilles. Je replop comme un personnage de jeu vidéo. Je reviens à la vie, pour les non-initiés. “Tu peux parler, tu crois ? Tu rêvais, pendant ton black-out ? Comment tu te sens ?” Longue inspiration. Expiration. C’est bon. Je peux décliner mon identité, épeler mon prénom, donner mes mots de passe, serrer ce corps chaud contre moi.
“— Tu t’es mangé un putain de bad. C’était impressionnant.
— Je… je crois que j’ai vu le monde de demain. Quelque chose de tellement beau…
— Tu es sûre que ça va ? Tu arrives à respirer ?
— Oui. Il n’y avait plus… de genre du tout, on fusionnait et on créait un non-genre. On revenait à l’expression du sacré des civilisations antiques et on vivait en paix avec des champignons et des crocodiles et des ballerines et des jumeaux.
— Tu planes encore ou tu sais où tu es ?
— Je sais que je suis dans un triste monde qui n’a pas encore déconstruit le patriarcat.
— Sinon, c’est qui, Oulia ?”