Mixte Magazine

Le fashion month vient de reprendre à New York mais c’est bien à Paris que se sont retrouvées cette semaine certaines des mannequins les plus emblématiques de l’industrie. Cette fois non pas pour passer un énième casting ou fouler le catwalk mais pour témoigner contre leur ancien agent et chef Europe d’Elite Model Management, Gérald Marie, devant la cellule de protection de l’enfance de la police parisienne.

C’est plus exactement la semaine dernière que les enquêteurs français ont commencé à recueillir les témoignages de femmes qui disent avoir été violées ou abusées sexuellement par Gérald Marie. Plus de cinq autres devraient être interrogés dans la semaine à venir, rapporte l’Agence France-Presse, citant des sources proches de l’enquête qui a été ouverte pour la première fois il y a un an. Parmi les victimes de ces agressions présumées, on compte le mannequin suédois Ebba Karlsson et l’ancienne journaliste de la BBC Lisa Brinkworth.Cette dernière a d’ailleurs déclaré à l’AFP que Gérald Marie l’avait agressée dans une boîte de nuit de Milan alors qu’elle se faisait justement passer pour une mannequin dans le cadre d’une investigation. Après la diffusion dudit reportage en 1999, Elite avait poursuivi la BBC pour diffamation. « Il a été intouchable trop longtemps », a fini d’ajouter Brinkworth à l’AFP.

Gérald Marie est également poursuivi à New York, où pas moins de 24 victimes présumées ont porté plainte. Dirigé par la mannequin et actrice américaine Carré Sutton (anciennement Carré Otis), le groupe a reçu une vague de soutien de la part de grands noms au sein de l’industrie. S’adressant au New York Times, Carla Bruni a déclaré : « Assez, c’est assez – je suis aux côtés de Carré et des autres survivantes de Gérald Marie alors qu’elles viennent à Paris pour témoigner contre leur agresseur. Aucune industrie n’est à l’abri des abus sexuels. Il y a tellement de travail à faire en France et dans le monde pour que les femmes soient protégées des violences sexuelles au travail. »

Dans sa déclaration, Carré Sutton donne plus de détails sur son expérience et affirme qu’elle a été violée à plusieurs reprises par Marie, qu’elle a reçu de la cocaïne pour perdre du poids et qu’elle a été victime de trafic avec d’autres hommes à l’âge de 17 ans. Afin d’aider d’autres victimes à s’exprimer et à soulever le voile sur cette sombre affaire, l’association Model Alliance qui a donné des conseils aux accusatrices de Gérald Marie, y compris des réunions hebdomadaires avec des assistants juridiques, a également inviter d’autres mannequins à s’exprimer et à manifester leur soutien. C’est le cas d’Helena Christensen qui a affirmé qu’elle était aux côtés de ces « femmes courageuses tout le long du chemin ». Paulina Porizkova a également fait part de son admiration pour celles qui se sont rendus à Paris et ont dû “revivre des souvenirs douloureux” afin de promouvoir une meilleure industrie et “défendre les femmes qui n’ont pas pu se manifester” ; tout en expliquant comment on lui a appris tout au long de sa carrière à voir “le harcèlement sexuel comme compliment”.

Dans son combat, l’asso Model Alliance a d’ailleurs fait pression pour que les leaders de l’industrie signent son programme RESPECT, un ensemble de normes juridiquement contraignantes pour régir le comportement, les droits et les paiements. « Nous visons à obtenir justice pour les survivantes, mais nous voulons également une industrie de la mode plus sûre et plus équitable avec une réelle responsabilité », a déclaré Sara Ziff, fondatrice et directrice exécutive de Model Alliance. Pourtant, malgré un déluge d’accusations et le mouvement #metoo, cette dernière doit se rendre à l’évidence : “la mode n’a pas connu de changement structurel significatif qui puisse légalement faire respecter les normes et tenir les mauvais acteurs ou institutions responsables ».

De son côté Gérald Marie, autrefois mariée à Linda Evangelista et qui vit maintenant à Ibiza, “réfute avec consternation ces allégations fausses et diffamatoires”, a déclaré son avocat dans un communiqué par e-mail. Avant d’ajouter : “Il s’abstiendra de ses éventuelles déclarations jusqu’à ce qu’il s’adresse aux autorités compétentes”. En attendant que justice soit faite et que la parole des femmes soit enfin prise en compte, Sarah Ziff ne peut s’empêcher un constat amère : « Carré a été violée et victime de traite à l’adolescence il y a 30 ans, et au vu de ce que certaines mannequins actuelles nous racontent via notre ligne d’assistance, des abus similaires ont toujours lieu dans le secteur”.