Des quartiers Nord de Marseille aux berges du Canal Saint Martin à Paris, la Air Max Plus a squatté bon nombre de pieds depuis sa création en 1998. A l’occasion du Air Max Day organisé par Nike et StockX qui cette année fait la part belle au modèle plus communément connu sous le nom de requin ou TN, Mixte revient sur la success story de cette basket au design carnassier devenue un symbole culturel à part entière.

C’est en 1998, année mythique pour la France avec une Victoire de la Coupe du monde de football, que débarque dans les rayons la Air Max Plus, aka la TN. Coïncidence ? Je ne pense pas. Avec sa semelle tunée de la dernière technologie Tuned Air et son design inspiré d’une branchie de squale (d’où son ptit surnom de requin), la TN naît dans un contexte qui correspond à la montée du lifestyle et de la street culture en France. C’est l’époque de l’album “Supreme NTM” d’un certain groupe du 93 et de “L’école du micro d’argent” d’une bande de marseillais surdoués. Pour Max Limol, spécialiste de la culture sneakers et auteur du livre “Culture Sneakers, les 100 baskets mythiques” parle de la TN comme du tout premier produit streetwear. “Si rétrospectivement on la présente comme une running performance, elle a été pensée lifestyle” dit il. Ceux qui ont déjà essayé de courir avec des requins n’iront pas dire le contraire. Autre particularité de la paire, elle est le fruit d’un partenariat entre Nike et Foot Locker et donc commercialisée uniquement dans les magasins FL. “Le design du produit c’est Foot Locker, et la technologie Tuned Air c’est Nike. Le choix des couleurs a été vu conjointement par les équipes” précise Max Limol.  Pour l’anecdote, les coloris des toutes premières TN ont été élaborés par un designer américain, Sean McDowell, lors d’un séjour en Floride. Subjugué devant les reflets de l’océan et les levers/couchers de soleil de la East Coast, il en aurait ressorti les colorways : “Hyperblue”, “Black/Silver/Red” et “Orange Tiger” devenus légendaires dans l’histoire de la TN.

Le premier public à s’être approprié la Air Max Plus, c’est la rue. Mais pas celle du 11ème arrondissement de Paname. “C’est la street mon pote” rigole le rappeur Mac Tyer, autrement dit, les cités. De Paris à Marseille, la requin s’est immersée d’abord dans les banlieues des grandes villes, à l’ombre des tours. Loin des clichés de palmiers floridiens de McDowell c’est le design de la paire perçu comme “agressif”, en symbiose avec l’environnement et un certain état d’esprit qui aurait séduit. Max Limol parle de la Nike TN comme d’un signe extérieur de tempérament autant que de réussite “C’était la sneaker qu’on appelait ‘la paire à 1000 francs’, donc c’était cool de l’avoir. Elle était valorisante quand tu étais dans les quartiers. T’étais jeune, t’avais la paire à 1000 francs, t’étais au top.” Autre particularité dans l’histoire folle de la TN, elle n’est arrivée par aucune campagne de com’, mais directement par la rue. Les grands frères des cités les portaient et les plus jeunes cherchaient à les imiter. C’est sur ce schéma d’influence que c’est fait le premier succès de la TN, mais aussi là que c’est fait l’amalgame Nike TN = paire de racaille.

C’est fin 99, début 2000 que la TN se démocratise un peu, Foot Locker n’est plus le retailer principal et la paire part nager dans le milieu du rap français. IAM, NTM, la Fonky Family… la TN est aux pieds de tous les rappeurs et s’invite même sur les pochettes d’album, rappelez-vous la pochette d’album du 113 “Les Princes de la Ville”. Mais la paire se démocratise et se voit davantage dans les cours de recré, elle garde pourtant toujours cette image de basket de bad boy qui lui colle aux semelles. 

Après avoir nagé une bonne décennie en eaux troubles durant laquelle elle sera carrément considérée comme une “basket de ploucs”, la TN ré-émerge en force à partir de 2016 quand s’achève l’exclusivité de Foot Locker et quand les marques de luxe décident de se prendre de passion pour le streetwear. Julien Boudet, photographe et fan du modèle, établit directement un parallèle avec la tendance streetwear qui a déferlé sur les podiums et le revival de la requin : “La collaboration Louis Vuitton x Supreme en 2017, les Off-White x Nike, la nomination de Virgil Abloh chez Louis Vuitton… ce mix streetwear/luxe c’est une réminiscence phare de la requin.” Alors que le rap devient la nouvelle pop, les nike TN séduisent un nouveau public et émergent alors en masse sur les berges du Canal Saint Martin. Elles viennent même jusqu’aux pieds des filles avec le modèle “Satin” (devenu mon redoutable BFF de dancefloor).

Caillera d’un jour, caillera de toujours, la TN reste la basket des fonceurs-forceurs, celle avec laquelle tu peux être le prince de la ville si tu veux, quand tu veux, où tu veux.